Le mythe de la perfection et du perfectionnisme

Le mythe de la perfection et du perfectionnisme

Cet article est la retranscription de l’épisode 1 du Podcast « Parfaitement imparfaits ».

Dans notre société de performance basée sur les exploits et la réussite sociale, la perfection est souvent entretenue et valorisée.

Pour être bien vu.e, considéré.e, aimé.e, que ce soit dans nos sphères personnelles et professionnelles, ou sur les réseaux sociaux, nous sommes nombreux à vouloir donner une image positive, lisse, parfaite de nous-mêmes.

Nous pensons qu’il nous faut avoir le look, le poids parfait, suivre les études et la carrière parfaite, trouver le conjoint parfait… Et pour atteindre cette perfection, nous nous imposons des objectifs souvent très ambitieux, voire inatteignables.

La perfection peut être définie comme l’état de quelqu’un ou de quelque chose qui est parfait en son genre, qui a atteint un stade suprême ou idéal. Cet état réunirait les qualités absolues et serait exempt de défaut.

Mais cette quête de la perfection est-elle atteignable et salutaire ?

La perfection existe-t-elle vraiment, je vous pose la question ? D’ailleurs, quelle est votre vision à vous de la perfection ? Pensez-vous l’avoir déjà atteinte ?

Si vous êtes perfectionniste, vous faites partie de ces gens qui ont une tendance excessive à rechercher la perfection. J’ai bien dit tendance excessive.

Bien que précisément définis par leur caractère excessif, les perfectionnistes ont souvent une image associée à l’excellence et aux grandes réalisations artistiques et scientifiques. Leur perfectionnisme serait ainsi le produit d’un résultat positif, souvent important ou exceptionnel, d’une puissante motivation, d’une grande force de travail et d’un souci du détail.

Pourtant, nous ne pouvons pas lier, à l’inverse, le fait de pas être perfectionniste à un manque de travail ou de professionnalisme. Nous pouvons, sans aucun doute, être travailleurs et professionnels sans être parfaits ou perfectionnistes. Nous serions même plus bien efficaces sans perfectionnisme selon les études scientifiques, j’y reviendrai dans un prochain épisode.

Le perfectionnisme ne serait donc ni un défaut ni une qualité, mais bien un équilibre à trouver.

Il peut, en effet, être un moteur ou un frein selon la pression que nous nous faisons nous-mêmes peser sur nos épaules. C’est le juste milieu à trouver entre ce que nous sommes capables d’effectuer, le niveau de défi que nous nous mettons, et la joie et le stress que nous ressentons. 

Prendre trop de temps à réaliser une tâche, la reporter sans cesse, angoisser avant de la réaliser, être incapable de déléguer, vouloir tout contrôler, s’autoflageller à la moindre erreur sont autant de signes d’un mal-être résultant de notre perfectionnisme. Une exigence démesurée peut ainsi nous paralyser et nous faire rapidement basculer dans le cercle vicieux d’une mauvaise estime et d’un manque de confiance en soi.

L'un des principaux risques du perfectionnisme est de procrastiner ou de ne jamais passer à l'action

en attendant indéfiniment le moment parfait, le résultat parfait ou le projet parfait qui n’arrivera jamais, tout simplement parce qu’il n’existe pas.

Si vous êtes dans ce cas, n’hésitez pas à vous demander : Combien de temps, ais-je déjà perdu ? Quel risque est-ce que je prends à ne pas me lancer ?

Puis, prenez enfin justement la décision de vous lancer une première fois dans quelque chose d’imparfait, quelque chose de petit, simple, sans grand enjeu et faites de votre mieux ! Observez les émotions qui vous traversent et évaluez le résultat, sans jugement ni comparaison.

Plus facile à dire qu'à faire pour certains perfectionnistes.

Il faut dire que nos croyances ont souvent été des drivers durant l’enfance.

‘’Tu peux mieux faire’’, ‘’Ce n’est pas assez’’, ‘’Combien as obtenu ta camarade de classe ?’’, ‘’Tu me rendrais si fière si tu réussissais’’.

Quelles sont les phrases que vous avez entendues lorsque vous étiez enfant ? Listez-les, observez comment elles résonnent encore en vous et remplacez-les par des pensées ponts.

Et si au lieu de vouloir perpétuellement nous dépasser

nous acceptions l’idée que nous serons toujours dans la moyenne par rapport aux autres, qu’il y a à la fois au-dessus de nous toujours quelqu’un de plus compétent, de plus expérimenté que nous, et en-dessous, quelqu’un de débutant ? Certains perfectionnistes deviennent littéralement malades à l’idée de ne pas réussir du premier coup, de ne pas atteindre la perfection immédiate qu’ils s’étaient représentés, de ne pas être les meilleurs. Ils peuvent aller jusqu’au burnout ou aux pensées suicidaires.

Pour la chercheuse et conférencière américaine Brené Brown, « le perfectionnisme n’est pas une quête pour être meilleur.e c’est plutôt une croyance que si l’on vit parfaitement, que l’on fait tout parfaitement (en termes d’apparence et d’actions), nous pouvons diminuer et enlever la douleur de la honte, du blâme, du jugement et de la culpabilité. Nous sommes persuadés que le perfectionnisme est une armure qui nous protègera alors qu’elle nous empêche justement de voler et de nous épanouir ».

Je partage cette idée selon laquelle le perfectionnisme est à la fois un idéal narcissique et un système de croyances autodestructeur. Le perfectionnisme consiste à éviter des situations où nous pouvons apparaître imparfaits et développe en nous des sentiments d’insatisfaction et d’insécurité plus ou moins importants, quelle que soit le résultat que nous obtenons ou la performance que nous réalisons. Il nous pousse à croire que nous avons sans cesse besoin d’obtenir l’approbation et la validation des gens qui nous entourent.

Pourtant, pendant des siècles, l'humain a été considéré par la religion, la philosophie et certaines civilisations, comme un être imparfait, par opposition au divin.

Les Navajos, une tribu amérindienne du sud-ouest de l’Amérique, partagent, par exemple, cette vision selon laquelle Dieu est parfait et que rien sur Terre ne peut l’être. Ils tissent intentionnellement une sorte de « défaut » dans leurs tapis. Si vous observez avec attention les bords des tissages Navajo, vous remarquerez qu’une seule ligne s’étend du motif au bord du textile. Les Navajos pensent que lors du tissage d’un tapis, le tisserand enlace une partie de son être dans le tissu. Ladite-ligne, appelée ligne esprit, permettrait à l’esprit emprisonné du tisserand de s’échapper lorsqu’il en a fini avec la fabrication textile. En créant une ligne, ils dissocient délibérément leur esprit du motif parfait, tout en le rendant imparfait.

Au Japon, la philosophie du wabi sabi célèbre également l’imperfection. Elle prône le retour à l’essentiel, la simplicité, la lenteur et l’éphémère. « Wabi » exprime l’humilité et la simplicité et « sabi » fait référence à la beauté et au temps qui passe. Selon les Japonais, la beauté prend tout son sens dans le cycle de la vie, la magie de l’instant présent et l’éternel recommencement. Les Humains devraient accepter avec quiétude, bienveillance et lucidité la véritable nature de la vie : tout est, en tout temps, impermanent, imparfait et incomplet. 

Vivre selon wabi sabi, c’est observer la beauté partout, dans sa plus simple expression, le dépouillement, la banalité. C’est regarder différemment la vie, la nature, les autres, soi-même, et avoir conscience de la beauté des choses imparfaites, usées, cassées, asymétriques. Plutôt que de toujours chercher à améliorer les choses ou à devenir une meilleure version de nous-même, c’est savourer ce que nous avons déjà, vivre en pleine conscience le moment présent, développer notre gratitude, être pleinement nous-mêmes.

Et si au lieu de vouloir lisser la petite fissure du mur de votre salon, vous la regardiez autrement ? Ne participe-t-elle pas au charme de votre maison ?

Que pensez-vous des rides d’expression de votre conjoint ? Ne témoignent-elles pas de souvenirs passés ensemble ? Que pensez-vous des vôtres ? Que vous dites-vous en vous regardant dans le miroir ?

Accepter d’être imparfait dans toutes les sphères de votre vie, c’est vous autoriser à expérimenter, vous tromper, recommencer, apprendre, découvrir, à simplement être.

Vous avez maintenant les clés pour déconstruire le mythe de la perfection et cultiver délibérément l’art de l’imperfection.

Si on résume, la perfection n’est qu’une illusion. Vous n’êtes pas parfait.e, ne cherchez pas à être l’être, soyez juste vous-même, c’est bien assez.

Dans le prochain épisode, je vous parlerai de la peur d’échouer qui caractérise particulièrement les perfectionnistes.

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