Comment rendre nos enfants perfectionnistes ?
Cet article est la retranscription de l’épisode 6 du Podcast « Parfaitement imparfaits ».
Pour continuer la discussion amorcée lors de l’épisode précédent au sujet du perfectionnisme parental, certains parents ont parfois tellement peur que leurs enfants ne soient pas aimés, souffrent ou échouent, qu’ils développent des attentes très élevées ou toujours plus élevées à leur égard.
Des messages contraignants contribuant au perfectionnisme
Sans mauvaise intention, ils peuvent les pousser à avoir les meilleures notes, à se comparer à leurs camarades de classe, à performer, à prendre de l’avance dans ses apprentissages scolaires, à rentrer dans le moule, à multiplier les activités extrascolaires, à exceller en permanence. Ils peuvent tenir et entretenir les discours suivants :
« Un 15/20 c’est bien mais je sais que tu aurais pu tellement mieux faire…
Fais comme ta sœur ou ton copain Félix, ils ont toujours été premier en histoire…
Quand tu fais les choses, fais-les correctement sinon ça ne sert à rien’’.
En analyse transactionnelle, on considère que ces messages contraignants sont à l’origine du driver ‘’Sois parfait’’. Un driver est un message qui, à force d’être répété, influence inconsciemment notre comportement depuis notre enfance. L’enfant sélectionne et interprète ce qui se passe autour de lui puis, développe des croyances et des stratégies d’adaptation.
Les enfants perfectionnistes peuvent élaborer un discours intérieur du type : « Je ne dois pas me tromper, je ne dois pas dépasser mon coloriage, je dois bien respecter les consignes de la maîtresse, je dois avoir des bonnes notes à l’école pour être un bon petit garçon ou une bonne petite fille, pour que mes parents m’aiment, me consacrent du temps, soient fiers de moi, pour être quelqu’un de valable. Je ne suis pas assez bon, je ne suis pas parfait.e.’’
En grandissant puis en devenant adultes, ils peuvent aussi croire qu’ils doivent être les meilleurs tout le temps, tout faire parfaitement s’ils veulent réussir plus tard, avoir un métier avec un bon salaire, une reconnaissance sociale, et avoir une vie agréable.
Des enfants perfectionnistes, poussés par leurs parents et l'école
Ne nous leurrons pas, pour certains parents, les enfants peuvent aussi servir inconsciemment de faire-valoir. Un enfant qui réussit est la fierté de ses parents et contribue par ricochet à celle de ses parents. Vous avez certainement déjà entendu des histoires de parents qui ont mis leur vie entre parenthèses pour s’occuper de la brillante carrière sportive ou artistique de leur jeune enfant, et qui, quand on gratte un peu, avaient eu même tenté ou abandonné cette carrière.
Sans vivre ces histoires particulières, les enfants sont souvent, qu’on le veuille ou non, le « bulletin scolaire des parents ». Dans la conscience populaire, les parents dont les enfants sont bien élevés et réussissent, sont des bons parents. Ils ont réussi leur job de parents.
Il en est souvent de même à l’école. Les enfants qui sont les premiers de la classe, qui ne font pas de bruit ni de tempête émotionnelle en classe, qui aiment apprendre et travailler sont valorisés. Certains ont même des félicitations, des gratifications ou des bons points qui leur permettent d’accéder à certains choix d’activités. Dans certaines cultures, notamment asiatiques, l’enfant est entraîné, dès son plus jeune âge, à développer ses capacités de mémorisation et de compréhension, pour atteindre les meilleurs résultats rapidement.
Je ne dis pas que l’enfant ne doit pas apprendre, faire de son mieux ou comprendre et appliquer des règles en collectivité. En revanche, je suis convaincue que nous pouvons transmettre à nos enfants le goût de l’apprentissage par d’autres mécanismes.
À mon sens, plus un enfant comprend tôt qu’il doit performer pour être récompensé et obtenir l’attention, les félicitations, la reconnaissance et l’amour des adultes, plus il développe un terreau propice au perfectionnisme, au manque d’estime et de confiance en soi.
La portée d'un environnement sans perfectionnisme chez les enfants
A l’inverse, plus il touche, manipule, expérimente, se trompe, recommence, plus il est en mesure d’observer, de faire des déductions et de comprendre contexte et règles. C’est ce qu’on appelle l’apprentissage par l’erreur. Cet apprentissage n’est pas un processus linéaire. Selon les études menées en neurosciences, le cerveau humain apprend grâce à l’erreur. C’est par un processus de prédiction et de comparaison que le cerveau met à jour ses connaissances. L’apprentissage repose sur des écarts aux attentes.
Dans son ouvrage « L’erreur, un outil pour enseigner », Jean-Pierre Astolfi explique qu’une profonde de l‘origine des erreurs est le meilleur moyen de modifier les schémas de pensée et d’empêcher les étudiants de reproduire la même erreur. Le fait de donner aux apprenants la possibilité de trouver, comprendre et corriger leurs erreurs par eux-mêmes, aurait également un impact positif sur leur motivation à apprendre.
Alors, que pourriez-vous mettre en place à la maison et dans le cadre de l’école pour que votre enfant se détache de sa peur de l’erreur ? Quel mantra, du type ‘’ Je me trompe, donc j’apprends, je pousse, je grandis, je comprends !’’, vous pourriez choisir avec votre enfant. Formulez-le ensemble.
L’environnement de l’enfant est donc déterminant dans son développement, dans la compréhension de ses émotions et du monde dans lequel il grandit. Alors quel environnement, voulons-nous offrir à nos enfants ? Un monde dans lequel les erreurs sont prohibés, où les enfants n’osent pas lever la main par peur de se tromper où la réussite est un corolaire de la valeur de chacun ? Quels parents voulons-nous être ? Des parents enfermants ou aimants ?
Des signes de perfectionnisme chez l'enfant qui peuvent alerter
Les enfants perfectionnistes peuvent non seulement refuser de se confronter à l’erreur mais aussi développer des symptômes liés au stress (trouble du sommeil, troubles alimentaires, angoisse intense, refus ou peur d’aller à l’école, phobie scolaire), s’autodévaloriser, refuser de revoir des personnes par peur de ne pas ou de ne plus être à la hauteur, fuir dans le virtuel, l’alimentation, la colère ou la violence.
Dans son livre ‘’Toujours mieux’’, Frédéric Fanget évoque des comportements non exhaustifs, exclusifs ou hiérachiques qui peuvent alerter les parents. Par exemple, quand les enfants se plaignent de maux de ventre ou de tête le dimanche soir, quand ils expriment ou quand ils se comportent comme si tout doit être parfaitement et soigneusement fait, quand ils ont besoin de beaucoup de repères, quand ils expriment ou paraissent souvent débordés, et quand ils ont peur de faire des erreurs évidemment. Il existe une différence entre un enfant perfectionniste et un enfant consciencieux. Un enfant consciencieux sera exigeant dans la tâche qu’il exécute mais, il éprouvera de la satisfaction dans sa réalisation. Il saura gérer son effort sans vouloir atteindre le résultat parfait.
Au moindre signe, vous pouvez prendre le temps de parler avec votre enfant pour savoir ce qu’il ressent, pour l’accompagner à diminuer son niveau de perfectionnisme et à décortiquer ce qui se joue en lui. Vous pouvez lâcher prise sur vos propres erreurs, être un modèle imparfait pour lui peut aussi l’aider et continuera de l’aider s’il deviendra à son tour parent.
CONCLUSION
Et vous pouvez vous demander si vous n’en demandez pas trop à votre enfant. Par exemple, à combien d’activités extrascolaires l’avez-vous inscrit ces deux dernières années ? Lui donnez-vous des objectifs ? Lesquels ? Dans quel but ? Comment réagissez-vous si il ne les atteint pas ou si il veut abandonner.
Pour résumer cet épisode, arrêtons de pousser nos enfants à devenir perfectionnistes.
Dans le prochain épisode, nous parlerons des conséquences du perfectionnisme sur la créativité et la productivité.